Un hommage aux morts de la Tour Saint-Aubin
Article Ouest-France
Publié le 16/04/2017 


Après la Seconde Guerre mondiale, les familles angevines venaient reconnaître les soldats morts, exposés dans ce monument du centre-ville. Peintres et plasticienne leur rendent hommage.
Inayat Attar et Christelle Guillet, devant les deux corps étendus de la jeune peintre, rappelant ceux des soldats qui furent exposés dans la Tour Saint-Aubin, ainsi qu’un tableau d’Inayat.




L’histoire
Rue des Lices, dans la tour de l’ancienne abbaye de Saint-Aubin, il y a un petit couloir aux voûtes du Xe siècle, un vénérable escalier en colimaçon d’où on pouvait s’échapper à la dérobée d’une imposante salle de pierre aux immenses ouvertures romanes…
Dans ce décor médiéval, Christelle Guillet, 38 ans, a exhumé une caisse du bric-à-brac de la vénérable et surprenante salle médiévale. Elle a découvert, à l’intérieur, une plaque dédiée « Aux soldats de l’Anjou, morts pour la France. 1939-1945. Indochine-Algérie. » Celle-ci commémore un fait qui a marqué ses souvenirs d’enfant.
« Réparer cette souffrance »
Christelle Guillet a grandi à Angers, avant de poursuivre ailleurs sa carrière de peintre, aujourd’hui à Lille. La plaque la renvoie à un souvenir précis, point de départ de l’exposition « La Réparation en action », qui réunit les oeuvres d’Inayat Attar et Brigitte Roffidal dans la Tour Saint-Aubin.
« J’avais 5 ans quand, un jour, avec mon père, nous sommes entrés dans la Tour Saint-Aubin. Il m’a alors raconté qu’après la guerre, il était venu avec ma grand-mère identifier le corps de son père, parmi trois cadavres de soldats retrouvés et exposés. Il est mort au combat, en 1944. Au fur et à mesure des découvertes, des cadavres arrivaient régulièrement. On les exposait ainsi à la Tour Saint-Aubin, pour permettre aux familles de les reconnaître et les leur rendre. »
Christelle Guillet s’est fait une promesse : « Le jour où je suis entrée avec mon père dans ce lieu, je me suis juré de réparer cette souffrance. »
Tout en sensibilité vibrante, la future artiste a ressenti la souffrance de son père, à l’époque. Et c’est peut-être pour cela qu’elle conçoit son oeuvre comme une réparation, un pansement sur la souffrance des humains.
Posture de yoga
Dans un coin de la salle d’exposition, deux petits tableaux, discrets. Deux corps étendus, dans des couleurs pastel, douces et apaisantes. « Le premier, c’est le cadavre dans une posture de yoga de lâcher-prise. Le mort qui expire la vie. Mon deuxième tableau, c’est la renaissance : le cadavre se relève, respire. C’est un hommage à ces soldats qui ont été allongés là. Pour dire que plus fort que la souffrance, que la guerre, il y a la vie », éclaire Christelle Guillet.
Toute l’exposition est en cohérence avec ces notions. Les tableaux d’Inayat Attar évoquent le thème de l’exil. Cet artiste kurde s’est réfugié en Anjou voici quelques années. Peintre aujourd’hui reconnu, il a été le premier à soutenir Christelle Guillet, lorsqu’elle avait 14 ans, dans sa démarche d’artiste. Incomprise à l’époque.
Les visiteurs découvrent aussi les étonnants corps enrobés dans des phrases recopiées à l’infini de Brigitte Roffidal. Ses oeuvres se dressent, immobiles comme des mégalithes. Un hommage à la lenteur et la simplicité. Un travail colossal.
Jusqu’au lundi 17 avril, exposition visible de 10 h à 19 h, à la Tour Saint-Aubin, rue des Lices, à Angers. Entrée libre